Pourquoi n'avons-nous pas encore atteint la paix au monde?
Qu'est-ce que cela nécessiterait?
A quoi devrions-nous y attendre?

2015/01/25

Flotte comme un papillon et pique comme une abeille


Il y a quelques années, j’ai adressé une lettre à l'éditeur du journal Foreign Policy, distinguant entre la stratégie de raids et  celle d’occupation avec leurs résultats.  À ce moment, cet insupportable rustaud, Bush le moindre, avait embourbé l'Amérique dans une guerre en Afghanistan et un autre en Irak, achoppant les deux campagnes parce que les moyens nécessaires pour gagner l'une furent gaspillés sur l'autre jusqu'à ce que tous deux ne se soient rendus en gluaux intraitables.   À l'époque, Foreign Policy était une publication un peu plus pondérée ; ses articles disponibles gratis en ligne et des lettres de non-abonnés acceptées, ceux-là refusés actuellement.  Tranchez-vous le nez en dépit de votre physionomie.

J’ai préconisé une politique de raids du genre « délit de fuite » menés contre des cibles terroristes millimétrées à travers le monde, profitant des évidents avantages de l’Amérique : sa mobilité stratégique et ses renseignements distribués; au lieu de présenter à l'ennemi des cibles grasses, balourdes et statiques que fournit sur le terrain des troupes d'occupation, leurs collaborateurs militarisées et leurs énormes appuis logistiques. Citant Mohammad Ali: « Flotte comme un papillon et pique comme une abeille, » au lieu de se stationner là et encaisser tout ce que l'ennemi puisse nous lancer à la figure de très près.

Que ce soit de leur propre initiative ou la mienne, l'armée d’Obama a pris à cœur ce conseil.  Malheureusement, elle l’a également poussé à son l’extrémité de sa logique.  Elle a enlacé le monde dans un réseau de surveillance électronique et humaine qui écoute et voit tout, aux proportions monstrueuses, dépenses énormes et influences anticonstitutionnelles.  Chaque année depuis près d'une décennie, leurs drones robotisés de grande envergure ont largué des milliers de missiles Hellfire dans la fenêtre de cuisine de chaque chef d'escouade qu'ils ont pu dénicher en opposition, avec leurs voisins inoffensifs dont les survivants ont formé la prochaine vague d'assaut contre les Etats-Unis.  Nul doute que des éléments accrus des forces spéciales de l'armée américaine ont enfoncé des milliers de portes en plus de celui de Ben Ladden à travers la planète et abattu beaucoup d'autres dans son genre.

Si vous attribuez le titre de terroriste à tous ceux en désaccord avec vous, et déclarez la guerre à partout et n’importe où, de quoi pourriez-vous vous attendre, sauf la multiplication d’ennemis qui se rendent sans cesse mieux coordonnés, armés et fatals au fil du temps ?  L'autre jour, j’ai écouté Jim Kerry, le secrétaire d'État (ministre U.S. des affaires étrangères,) se vanter que les Etats-Unis avaient tué presque la moitié des dirigeants d'ISIL. Il a omis de signaler le fait que ces mêmes politiques ont multiplié en même temps les effectifs, richesses et armements du terrorisme global par des centaines de fois.
Halte, là. J’avais en tête une application beaucoup plus judicieuse de la brutalité, fort soigneusement élaboré dans l'espace et le temps. Beaucoup plus circonspect ! La lutte contre la terreur pose un certain problème : considérez-vous ce défi comme une confrontation militaire ou celle policière ?  Actuellement, les Etats-Unis poursuivent le modèle militaire : le maximum de puissance de feu et d’ennemis abattus partout et à tout temps au diable le meurtre d'innocents au hasard.
 
Le modèle policier offrirait une solution plus avantageuse : le minimum absolu de violence, juste assez pour réprimer l'opposition et pas plus.  Autrement, la brutalité serait soigneusement supprimée et interdite dans la plupart des cas, à la limite de notre tolérance.  Que la brutalité de nos ennemis les diminue par voie de rejet global et local ; et non nos réalisations excessives de brutalité, multiplier leur nombre.

Nous nécessitons autant plus de sagacité en ce qui concerne le choix d’objectifs et le chronométrage des raids.  Localement dans une certaine région et momentanément le long du calendrier politique, une fenêtre d'opportunité dorée s’entrouvre pour une intervention armée. L'opposition se sera suffisamment consolidé pour identifier son ultime gérance, mais pas pour cristalliser les rangs secondaires et tertiaires. Les dirigeants d'ordre inférieur n’auront pas eu le temps pour établir leur réputation et consolider leur base de pouvoir au point de remplacer le rang liminaire avec souplesse et fluidité.  Ce n’est qu’à ce moment et lui seul que la décapitation méticuleuse du premier rang de gérance tyrannique peut être autorisée, à condition que cette mise en scène ne comporte aucune victime innocente. Les attaques avant ce moment-là ne peuvent épingler avec une suffisante certitude les dirigeants principaux ; celles après ne peuvent pas décapiter une organisation ennemie, plutôt réorganiser son commandement et peut-être intensifier sa létalité.  Nous avons abouti dans cet intraitable désordre à coups de trop de raids menés pendant des années de façon opportuniste et plus ou moins au hasard.

On peut trouver une bonne illustration en Syrie.  À un certain point, le président Bachar al-Assad s’est identifié sans équivoque comme l'ennemi de son peuple et de l'humanité.  Ses amis ne se sont collés en raison de son leadership et ses adversaires, à la fois ceux amicaux envers l'Occident et ceux hostiles, étaient pour le moment fragmentées et impuissants.  C’est à ce temps et lieu que l'Occident aurait pu frapper avec efficacité. Certes, un bain de sang était vraisemblable à la suite de ce raid (brayé de la part de lâches moraux à travers l'Occident); mais remarquez le bain de sang sans relâche, le résultat de notre inaction.

A cette époque, immense parc  de chars de combat d'Assad aurait du être bombardé en tapis, annulant sa chance et celle de ses remplacements pour entretenir ce massacre. Ainsi de même pour les énormes arsenaux en Libye, immédiatement après la chute du régime de Kadhafi. Ils auraient du être démolis cette même semaine, au lieu de passer entre les mains de jihadi régionaux.

Les mesures militaires ci-dessus critiquées et préconisées ne pourront presque jamais réussir toutes seules.  La question ne serait pas de pratiquer une violence massive et continue, mais un grain de piqûres clés minutieusement planifiées ; précisément exécutées au bon moment ; précédées et suivies par les meilleures mesures de « puissance douce » les plus énergiques possibles.  En fin de compte, ce ne sont que ces mesures «douces» : de la diplomatie du haut en bas, aux pots-de-vin éhontés des gestionnaires intermédiaires à l’étranger, à l'action non gouvernementale et démocratique à partir des racines d'herbe, susceptibles de résoudre de tels problèmes de façon fiable.